lunes, 14 de diciembre de 2009

C'était salement prévisible. Ça sautait aux yeux, quoi.


Moi, qui suis devenue accro au café expresso, à me lever de (trop) bonne heure le matin uniquement pour avoir le temps de lire le journal online, qui préfère de traduire vers le français et pas autrement, qui ai déjà perdu deux bérets dans les rues niçoises, qui ressens une terrible attraction vers les vitrines des petites boulangeries patisseries (voir la reproduction la plus exacte du paradis) genre Paul et La Brioche Dorée, qui adore la convivialité des bus pleins à craquer de gens qui se raccrochent aux barres histoire de ne pas envahir les espaces vitaux des autres pendant les coups de frein et les virages et qui écartent sa main immédiatement après avoir légèrement frôlé celle de quequ'un d'autre qui se raccrochait aussi du cylindre métallique. Moi, qui trouve le seul fait d'être francophone carrément séduisant. Moi, qui adore m'endosser des chapeaux qui passent inaperçus ici mais qui attireraient tous les regards (méprisants) à Madrid, parer mes cheveux avec un serre-tête à plumes et mettre du rouge à lèvres la nuit.

Moi, qui dois admettre mon ignorance par rapport au destin des trucs de patisserie que l'on vend partout : j'ai jamais vu une française à manger un putain de pain au chocolat, ou disons seulement à manger. Moi, qui ai du mal à ne pas ébaucher un sourire quand une bande de gamines croient croquer la vie à pleines dents dès leurs talons hauts et leurs sacs à main à la Hilton. Moi, qui accuse le manque de cours de turc, de claquette et de cuisine multiculturelle, de seminaires sur le conflit en Palestine au milieu de l'été; qui accusera le fait -inhabituel- d'habiter une ville débordante de gens pendant ces mois-là. Moi qui ne m'habitue pas aux plages de cailloux, qui associe d'une façon automatique la mer aux vacances et, du coup, ne prends jamais au sérieux cette palette pastel à l'odeur de la socca, des crêpes au Grand Marnier et des sandwichs d'escalope de dinde à la sauce algérienne à cinq heures du matin. Moi qui crains le risque de devenir une pépètte quelconque, qui commence à témoigner l'erosion des valeurs qui me rendaient unique à mes yeux. Moi, qui ne réussis pas à trouver marrant le sens de l'humour français, qui me sens pas à l'aise lorsque les vendeuses viennent m'aborder chez Sephora armées d'un sourire dévorant, qui trouve écoeurant l'abus de mitigeurs et formules de politesse de la langue française, qui arrive pas à sortir un " putain ! " comme il faut sans me sentir étrangère, qui déteste de tout mon coeur le déploiement insolent de richesse et beauté de la Côte d'Azur.



Moi, je l'avoue : je resterais ici indéfiniment.
*
Quiconque a le malheur d'immigrer une fois -une seule !- restera toujours métèque toute sa vie, et étranger partout, même dans son pays d'origine. C'est notre malédiction à nous, immigrants.
paulasánchez

1 comentario: